États, organisations internationales et communautés scientifiques sont de plus en plus enclins à reconnaître la nécessité de conserver les objets culturels patrimoniaux, de sauvegarder, d’entretenir, puis de transmettre ces héritages considérés comme de puissants facteurs de développement et de construction identitaire. Cela explique toute l’importance de la patrimonialisation qui implique, entre autres, la mise en valeur du symbolisme de ces objets afin que les publics concernés puissent en prendre connaissance, en prendre conscience et accepter la nécessité de participer à leur conservation. Aussi, la communication patrimoniale, prise dans sa double dimension théorique et technico-pratique, est devenue un enjeu majeur pour les pays du Sud anciennement colonisés dans la mesure où ces derniers se trouvent dans la nécessité de forger un nouvel imaginaire de l’avenir et de reconstruire une estime de soi affectée par des décennies d’aliénation. D’où la préoccupation première de cet article qui se concentre sur le rôle des pratiques communicationnelles dans la mise en valeur du patrimoine culturel dans les pays du Sud.
N’ayant pas la prétention d’offrir une vue encyclopédique de la réalité d’une diversité de pays ou d’institutions, l’article, dans une démarche d’étude de cas, se limite à l’analyse des pratiques communicationnelles d’une institution publique en Haïti, à savoir l’Institut de sauvegarde du patrimoine national (ISPAN). Ici, Haïti n’est pas considéré en tant que pays isolé mais en tant qu’exemple de pays du Sud ou encore de peuple qui partage des réalités historiques, économiques et politiques communes avec de nombreux pays du Sud anciennement colonisés.
L’analyse proposée part de la reconnaissance des atouts offerts par l’essor des technologies numériques de la communication pour la libre circulation des idées et des informations à travers le monde et donc pour une meilleure connaissance des cultures, le déracinement de certains préjugés et l’amélioration des rapports entre les nations grâce à la valorisation des objets culturels patrimoniaux. Toutefois, les progrès techniques marchent de pair avec la fracture numérique, traduite, entre autres, par un déséquilibre dans l’utilisation des moyens de la communication. S’ensuit, en conséquence, une double méconnaissance : les communautés nationales et locales méconnaissent leurs propres réalités sociales alors que les vraies réalités des pays du Sud sont absentes de la scène internationale. D’où le questionnement fondamental qui traverse cet article : comment valoriser les objets culturels patrimoniaux dans un contexte de crise patrimoniale généralisée sachant qu’en tant que construction sociale, l’existence du patrimoine nécessite une appropriation par les différents acteurs grâce à des pratiques communicationnelles adéquates ?
L’article fait état de la volonté des dirigeants haïtiens de promouvoir le patrimoine culturel. Toutefois, il souligne l’urgence d’une stratégie de communication patrimoniale adéquate inscrite dans le cadre global d’une politique culturelle prenant en compte les enjeux de construction identitaire et du développement de nouveaux rapports avec le monde. L’essor des moyens de communication, tout en offrant de sérieux atouts pour la mise en valeur des richesses culturelles à des fins de construction identitaire, peut aussi contribuer à occulter la culture des peuples en proie à la fracture numérique.